L'économie des promesses

La création et la diffusion des innovations dans la société se traduisent par une évolution des usages et des pratiques, mais surtout par l’émergence de discours d'accompagnement — des projections utopiques qui reflètent et conditionnent l’émergence et l’acceptation de ces innovations. Sur quoi repose cette “économie de la promesse” qui influence nos décisions et construit notre vision du futur ?

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Les promesses technoscientifiques sont des discours et des imaginaires mis en scène en réponse pour dessiner des futurs possibles. Elles s’appuient en général sur des objectifs de long terme et des propositions utopiques : guérison des maladies, prospérité énergétique, félicité démocratique, conquête spatiale, etc. En ce sens, elles sont autant un moyen de penser les nouvelles techniques que de leur donner corps.

Elles s’appuient en effet sur plusieurs caractéristiques [1]jolyp13 : la définition d’un problème central par un un acteur-clef supposé incontournable pour le résoudre ; l’inscription à la fois dans l’idéologie d’un progrès naturalisé sur le temps long et dans une situation d’urgence poussant à la décision ; une double construction à la fois de crédibilité des problématiques et de légitimité de leurs porteurs ; et enfin une rhétorique de l’irréversibilité verrouillant progressivement leur pérennité au détriment de solutions alternatives.

Les consultants et futurologues qui font “commerce des attentes technologiques” [2]pollo10 entraînent cette dynamique en façonnant la représentation d’un futur désirable jusqu’à orienter les investissements publics et privés [3]dandu23 : ainsi se dévoile la dimension performative des promesses technoscientifiques. Chaque mouvement financier ou politique dans leur direction alimente une forme de sélection sociotechnique darwinienne qui voit émerger la solution la mieux marketée, et pas forcément la plus efficace.

Ensuite, l’interaction entre la sphère technicienne et les utilisateurs effectifs produira des usages et des pratiques qui viendront éventuellement en justification a posteriori des visions initiales. C’est aussi dans ce temps que vont avancer d’autres visions plus larges, que pouvaient cacher temporairement les promesses technoscientifiques (e.g. les projets transhumanistes derrière les propositions en matière de santé ou de handicap).

L’approche du développement socio-économique par le prisme de l’économie des promesses technoscientifiques — dans une perspective par ailleurs largement néolibérale — constitue ainsi un cadre souple et ouvert pour une analyse critique des discours de promotion de l’innovation, des décisions politiques et de la marchandisation de la science et de la technique.