L’expérience client (ou “CX”) a bien sûr une visée commerciale — au-delà, pour certaines entreprises, d’une bonne intention inscrite dans les gènes. Mais transformer efficacement l'expérience client en résultats commerciaux significatifs ne peut pas s’improviser, même avec de la bonne volonté. Comment alors mettre en place les bonnes stratégies, et quels sont les pièges à éviter dès le départ ?
En matière d’expérience client, beaucoup d’entreprises pensent déjà bien faire (et font de leur mieux) en se déclarant conscientes de l’importance du client et de sa satisfaction. C'est un bon début, cette approche embryonnaire risque de mener à trois erreurs répandues.
La première, fondamentale, c'est justement de ne pas s’engager totalement. Or l’expérience client ne peut pas être annexe : pour impacter la performance économique, elle doit être intégrée à la culture d'entreprise, i.e. aux valeurs, aux rites et aux codes qui en maintiennent l’équilibre dynamique [1]. On pourra par exemple penser l’expérience client dès la conception des produits, mais aussi impliquer toutes les fonctions de l’entreprise (pas seulement celles au contact du client) ou encore établir des démarches d’écoute et de mesure rigoureuses, appuyées sur une approche représentative, régulière et reproductible.
La seconde erreur, qui en découle souvent, c’est la fragmentation. La dispersion des initiatives, la focalisation sur des pain points isolés ou la généralisation de retours ponctuels constituent des pièges qui mobilisent des ressources de manière décousue. La priorisation des efforts et la concentration des moyens maximisent la qualité de l’expérience et, à terme, ses résultats (ventes, loyauté, recommandation, etc.). Ces approches nécessitent une analyse complète de l’expérience vécue (par exemple à partir de la cartographie du parcours client). On cherchera alors la phase de la relation la plus significative ou bien les données cognitives (comportements, objectifs, frustrations) qui sous-tendent les résultats d’un indicateur en contexte.
Enfin, le troisième type d’erreur, qui conditionne aussi les précédentes, c’est de ne pas faire un lien clair entre les ambitions stratégiques de l’organisation et les attendus de l’expérience client : dans cette déconnexion de la valeur, le travail autour de l’expérience client devient superficiel et perd de son sens. La résolution est délicate ici : il faut à la fois que le lien soit fait au niveau managérial (on revient à la culture et à la stratégie) et qu’il soit correctement traduit dans la définition et l’évaluation de l’expérience client (on mobilise la conception et les opérations). On est là sur un exercice de mise en cohérence et de communication qui se joue sur le moyen terme.
En fin de compte, transformer efficacement l'expérience client réclame un travail de fond et de forme pour créer une véritable culture organisationnelle centrée sur le client. Cohérence, recul critique et rigueur sont les clés de la fidélisation de clients satisfaits — mais aussi de l'engagement des salariés, qui peut être l'angle mort de ce type de démarche.
EYRIES, Alexandre. Entreprise et management - Formes culturelles et-ou enjeux communicationnels ? Question(s) de management, 2021, no.01, pp.143-150.